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Carrefours de savoirs : reconnaître les activités au-delà du travail rémunéré

10 novembre 2022

Il y a un an, nous démarrions un travail de recherche sous la forme de carrefours de savoirs sur un sujet qui nous est cher : la reconnaissance des activités réalisées hors du travail rémunéré. Nous avons travaillé 8 journées avec un groupe de chercheurs composé de personnes actives hors du travail-emploi et/ou concernées par la précarité et de professionnel.le.s engagé.e.s sur ces sujets. Un projet mené en étroite collaboration avec le Secours catholique.

Dans la première saison des carrefours de savoirs sur la protection sociale, nous nous sommes rendus compte que le système de protection sociale était principalement organisé autour du « travail rémunéré », du travail salarié principalement. C’est de là que sont issus les principaux droits, et c’est par nos salaires qu’on cotise et qu’on contribue financièrement au système. Pourtant, en parlant de nos vies, nous avions aussi mis en lumière bien d’autres formes d’activité et de contribution. Chacun d’entre nous contribue aussi au bien commun, au prendre soin de soi et des autres, à la société, de différentes manières autres que le travail rémunéré. Mais c’est rarement reconnu et quelques fois même empêché. Quand on ne travaille pas, c’est comme si on ne faisait rien, et cela nous est reproché, on serait « seulement des assistés ». Comment reconnaître alors toutes ces contributions qui se font, mais sous une autre forme que le travail rémunéré ? Est-il possible et comment penser l’ouverture de droits à partir de ces contributions ? Comment avoir le droit de ne pas contribuer quand on ne peut pas ? C’est avec ces questions que nous avons démarré la deuxième saison des carrefours de savoirs.

Quel a été le chemin parcouru ?

Une partie de travail a été de répertorier et de classer les différents types d’activités réalisées. Nous avons constaté la diversité et la quantité de tâches. Nous y avons placé des activités bénévoles, hors -rémunération, mais aussi certaines activités réalisées dans le champ du travail-emploi, et jugées utiles et porteuses de sens pour la solidarité et le soin au vivant. L’enjeu s’est ainsi déplacé vers la reconnaissance des activités « utiles » ou « vitales », en opposition aux activités destructrices ou mortifères.

Nous avons également constaté qu’une même activité pouvait se réaliser dans différentes sphères : celle du bénévolat, des services publics ou des services marchands. Et que la reconnaissance n’était pas la même selon les sphères de réalisation de l’activité. Nous avons alors précisé des lignes rouges et lignes vertes, c’est à dire, les enjeux d’une telle reconnaissance mais aussi les risques inhérents, comme celui de la marchandisation ou de la normalisation/standardisation de toutes les activités, ou encore la gratuitisation de certaines activités dont d’autres peuvent tirer profit.

Nous avons enfin interrogé les besoins de reconnaissance, les formes symboliques, matérielles, les droits attendus. Nous avons exploré les formes de reconnaissance déjà existantes dans la loi, mais aussi les modalités de reconnaissance collective à imaginer, valorisant les liens et la communauté plutôt que les individus. Nous avons aussi travaillé sur l’enjeu de délibération démocratique à mettre en place à l’échelle d’une association, d’un territoire, voire d’un Etat sur ces activités et des formes de reconnaissances.

Pour ce faire, nous sommes partis de nos expériences de vie, de nos savoirs pratiques et sensibles issus de ces expériences. Nous avons également cherché dans les approches de divers sociologues tels que Marie-Anne Dujarier, Maud Simonet, Joan Tronto, ou encore dans les travaux de Bruno Latour, les points d’appui utiles à notre réflexion.

Notre dernière journée a été consacrée à une mise en partage avec plusieurs acteurs engagés au plan national sur ces enjeux : Isabelle Doresse, Vice Présidente d’ATD Quart Monde et Représentante du collectif Alerte au CESE ; Nicolas Duvoux, enseignant-chercheur à Paris 8 et Président du comité scientifique du CNLE ; Jean Merckaert et Daniel Verger, de la direction de l’Action et du Plaidoyer du Secours catholique. Cette journée a permis de reconnaître l’importance de ce sujet et de sa mise au débat public. Nous avons également tracé des pistes pour alimenter les différentes stratégies de plaidoyer, dans les mois à venir.

Une publication sera mise en ligne et diffusée dans les mois à venir, et des suites pour l’année 2023.

Merci à toutes celles et ceux qui ont participé à ce précieux travail : Ghislaine, Cristina, Jeni, Rita, Vincent, Jeanne, Patrick, Gabriel, Vanessa, Emilia, Germaine, Anne, Anne Françoise, Françoise, François. Ce carrefour a été animé par Celina et Marion.

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