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Freedom Summer de Marseille : rencontre avec Youssef

27 janvier 2022

En octobre 2021, Youssef Hamouch a participé au Freedom Summer de Marseille, aux côtés de 15 autres jeunes adultes, réuni·e·s pour débattre et agir autour des discriminations racistes. Ce projet, inspiré du Freedom Summer de 1964, organisé par Aequitaz, et soutenu par l’ANCT, vise à former des jeunes leaders en capacité d’agir pour plus de justice sociale. Voici son témoignage.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Youssef Hamouch, j’habite à Marseille, je suis âgé de 29 ans et je suis venu du Maroc il y a à peu près 2 ans pour poursuivre mes études.

Comment as-tu entendu parler du Freedom Summer ?

C’était grâce à ma colocataire. Elle m’a parlé de cet événement, présenté de quoi il s’agit, et m’a transféré de suite des documents sur l’événement, son historique, ses objectifs.

Comment s’est passée cette expérience, et qu’as-tu appris durant ces quelques jours ?

C’était une bonne expérience pour moi. Il y avait tout d’abord une première rencontre avec les participant.e.s et les membres de l’association. Nous nous y sommes présenté.e.s, et nous avons aussi discuté autour du Freedom Summer « originel » avec des éléments d’histoire liée aux Etats-Unis.

Chacun.e des participant.e.s  avait son propre parcours, sa propre situation et ses propres origines et expériences de vie. Cela était d’une grande importance pour l’échange entre nous pendant tout le weekend. Les 48 heures qu’a duré le FS n’étaient pas, certes, aussi étendues qu’un summer (été), mais le programme du weekend était si riche et condensé que nous avons bien pu en bénéficier.

Les témoignages qu’ont donnés les participant.e.s étaient touchants et émouvants, et m’ont surtout permis de mieux comprendre les problèmes de discriminations dont souffrent beaucoup de gens en France, ce pays où je viens de débarquer. A mon tour, j’ai participé aussi au témoignage. J’ai parlé de quelques situations où j’ai été victime d’une discrimination, pas seulement en France ; mais essentiellement au Maroc. J’espère que cela a apporté à la discussion un autre angle de vue hors des contextes historiques, démographiques, et culturels français.

Plus tard, nous avons reçu l’ancien député Sergio Coronado qui nous a présenté son histoire d’abord comme victime d’oppression politique dans le Chili et l’Argentine, et après comme mineur réfugié avec sa famille en France.

Ultérieurement, nous avons commencé à nous préparer pour le lendemain où nous sommes allé.e.s sur les quais du Vieux-Port pour faire « Porteur de parole ». Au Vieux-Port, nous avons, par le biais d’une banderole où était inscrite la question « La France, un pays raciste ? », initié des conversations avec les passants autour de la question des discriminations racistes dans la société française. L’échange était souvent fort amical et très riche, et nous avons pu grâce à lui sonder les avis et les opinions de plusieurs dizaines de gens, en débattre, les noter, mais aussi les exposer de manière écrite pour que d’autres personnes passantes puissent les lire.

Peux tu décrire le FS avec tes mots ?

Sans trop en dire, je peux le résumer en quelques mots : instructif, convivial, sympathique, incite à la réflexion.

Si tu devais décrire les émotions que tu as vécues…

Les témoignages et les conversations au Vieux-Port ont suscité en moi plusieurs émotions.  Premièrement, c’était la sympathie et la solidarité avec les gens qui ont subi des discriminations le long de leurs vies. Deuxièmement, une colère envers tout responsable de la perpétuation des politiques et des idées racistes. Et dernièrement, une auto-critique qui concerne mon rôle et devoir dans mon milieu en terme de lutte contre toute sorte de discrimination.

Quel est ton rapport au sujet des discriminations racistes ?

Mon rapport aux discriminations en gros a commencé très tôt, depuis que je suis gosse. Dans les séries télévisées du Ramadan, quand les gens bavardent, dans la classe, bref, partout j’entendais ce qu’on disait, et ce n’était pas rare du tout de capter des propos racistes et discriminatoires contre plusieurs groupes et catégories : les arabes, les amazigh.e.s (« berbères »), les noir.e.s , les femmes, les campagnards. Ce problème a pris une autre ampleur, plus grande et beaucoup plus importante, en grandissant. Au lycée, nous, les élèves, nous avons fait une grève générale et un blocus total du lycée protestant contre une enseignante qui qualifiait ses élèves amazigh.e.s de singes, de chèvres, de radins, injures spécifiques contre les amazigh.e.s., soit la majorité des élèves de cette enseignante, et de tout le lycée. Il en va de même pour l’administration, la direction, et l’académie régionale. Le lendemain, l’enseignante a disparu, et on a entendu dire qu’elle avait été punie et transférée dans un autre lycée, l’un des pires de notre département.

Après avoir eu mon diplôme du baccalauréat, j’ai dû partir pour aller poursuivre mes études universitaires plus au nord. J’ai commencé à lire davantage, et progressivement j’ai pu assimiler les aspects systématique et étatique des différents genres de discriminations. Là aussi, j’ai commencé à subir personnellement des discriminations liées à mes origines, ma langue, ma culture. C’était toujours oralement exprimé jusqu’au jour où la situation s’est aggravée et développée en agression physique. Cela est resté gravé dans mon esprit, et m’a fait goûter l’amertume des discriminations.

Quelles sont les propositions ou revendications que tu souhaites continuer de porter en la matière ? Et auprès de qui ?

Je ne suis pas vraiment un spécialiste en la matière en France, au Maroc non plus d’ailleurs, mais je pense qu’il y a des principes généraux pour toute lutte peu importe ses caractères spécifiques. Primo, comprendre le phénomène, ses aspects, son poids, ce que les victimes en disent. Secundo, l’unité des victimes/opprimé.e.s, dans leurs objectifs, leur compréhension, et tertio c’est la lutte qui ne connaît pas de limites, ni de lieu d’action spécifique, et non plus un moyen unique pour la mener.

Quelles sont les prochaines étapes après cette expérience ?

Vers la fin du FS, nous nous sommes mis d’accord pour agir auprès des candidat·e·s aux élections législatives, les interroger, leur présenter nos revendications. Egalement, nous avons parlé de la nécessité de créer un guide de droits qui pourrait aider les personnes à savoir comment elles peuvent gérer une situation donnée où elles se trouvent victimes d’un traitement discriminatoire. Au niveau personnel et individuel, étant nouveau en France, je ne me sens pas encore capable de faire grand-chose, d’où l’importance de groupes et d’équipes comme la vôtre.

Quels sont tes prochains projets, tes envies ?

En participant au FS, j’ai eu l’idée d’imiter cette expérience au Maroc. Ce n’est pas envisageable de la calquer, mais j’ai envie d’ouvrir une discussion générale dans mon cercle d’ami.e.s et d’activistes et militant·e·s autour des discriminations présentes au Maroc pour comprendre la situation, et pour agir après bien sûr.

Tes conseils à des jeunes de 18 à 30 ans qui voudraient rejoindre un Freedom Summer ?

Tout d’abord, je leur dirais : venez, et soyez nombreuses et nombreux. Prenez de quoi noter ce que les participant.e.s ou les gens dans les rues et les places vont dire. C’est très important de les écouter aussi. C’est comme cela qu’on sympathise et qu’on commence à s’entraider.

Une ressource militante que tu as envie de partager ici ? 

En relation avec l’idée originelle du FS aux Etats-Unis, j’ai proposé aux participants de regarder un film intitulé BlacKkKlansman. J’ai infiltré le Ku Klux Kan de Spike Lee, qui m’est venu à l’esprit pendant le FS.

Merci Youssef pour cet échange !
Retrouvez ses actualités ici et contactez-le via Youssef.hmc2@gmail.com
En savoir plus sur notre source d’inspiration, le Freedom Summer des Etats-Unis (1964).
En savoir plus sur notre prochain événement, le Freedom Summer de Lyon en mars 2022.
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