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Naissance du collectif de la Huppe en Drôme

28 juillet 2019

Le collectif de la Huppe est né dans le département de la Drôme en janvier 2019. Issu du travail mené par Aequitaz sur ce territoire depuis 2014 avec les collectifs Boussole, le collectif s’est emparé de l’épineuse question de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Un long travail d’enquête a été mené pour rédiger le manifeste publié ci-dessous et impulser la création d’un réseau départemental d’appui aux personnes convoquées en équipe pluridisciplinaires. Un guide destiné à toutes celles et ceux qui veulent sortir du jeu de dupes dans leurs relations au service public de l’emploi et de l’insertion est également en cours de réalisation. Dans cette démarche, nous souhaitons notamment affirmer que seules les cas de fraude avérées devraient permettre de suspendre le droit à un revenu minimum tel que le RSA. Or, ces suspensions interviennent également parfois pour cause d’absence à un rendez-vous ou de modification de ses engagements.

Manifeste de la Huppe

 


 

Le collectif de la Huppe a été constitué en janvier 2019 dans l’objectif de sortir d’un jeu de dupes, où bénéficiaires du RSA et accompagnants ne se parlent pas franchement, où chacun joue un rôle et où tout le monde est perdant. Nous voulons renforcer le pouvoir d’agir de personnes vivant la précarité et instaurer des relations de confiance avec les institutions. Au cours des six derniers mois, nous avons analysé des situations, nous nous sommes documenté et nous avons écrit ensemble ce manifeste.

Nous déclarons être attachés à notre système de protection sociale créé pour nous protéger des « incertitudes du lendemain et de la menace de la misère », en nous assurant les moyens nécessaires à notre subsistance et celle de nos familles. Le revenu de solidarité active « a pour objet d’assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence, afin de lutter contre la pauvreté, encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l’insertion sociale des bénéficiaires »[1]. Le dispositif RSA n’est aujourd’hui pas à la hauteur de ses propres ambitions !

Nous constatons que trop souvent le dispositif RSA représente une source d’incertitude, de peur et de découragement pour ses bénéficiaires. Nombreux [2] sont ceux qui nous disent leur préoccupation de « rester dans les clous » et leur crainte de se retrouver sans un sou s’ils n’y parvenaient pas. Bien souvent, ils finissent par s’éloigner des institutions et s’isolent. La pression mise sur les personnes pour qu’elles retrouvent le plus rapidement possible un emploi, quelles qu’en soient les conditions (qualité de l’emploi, mobilité, contraintes de santé, inadéquation avec leurs motivations ou compétences etc…) est contreproductive tant pour les personnes que pour les pouvoirs publics.

Nous constatons que le CER (contrat d’engagements réciproques) est trop souvent un contrat imposé (dans son contenu) au bénéficiaire et le fruit d’un jeu de dupes. Si théoriquement le CER est « un contrat librement débattu énumérant les engagements réciproques en matière d’insertion sociale ou professionnelle »[3], il est trop souvent signé sous la pression, sans alliance et réflexion préalable suffisante, et ceci malgré la bonne volonté des référents RSA. « Tout se passe comme un jeu de rôles dans un théâtre où l’on obligerait les allocataires à singer la recherche frénétique d’emploi alors qu’il n’y a pas d’emplois – ou du moins d’emplois dignes de ce nom. En l’absence d’emplois, la mécanique des droits et devoirs, même mise en œuvre de la façon la plus humaine possible, peut se transformer en instrument de torture morale » écrivent les chercheurs Dominique Meda et Bernard Gomel [4]. C’est, malgré la bonne volonté de son référent RSA et son envie de « bien faire », que L. a réalisé, au troisième jour de sa formation, que celle-ci n’était pas faite pour elle et qu’elle n’y arriverait pas. Etait-ce une raison suffisante pour la convoquer devant ce qu’elle appela un « conseil de discipline » – une équipe pluridisciplinaire en fait – et lui couper, même provisoirement, les seules ressources qui lui permettent de payer le loyer du logement qu’elle occupe avec sa fille de quinze ans ?

Nous contestons une application rigoriste de la loi, notamment le second critère [5] de l’article L. 262-37 permettant la radiation ou la suspension qui précise que celle-ci peut intervenir si « sans motif légitime, les engagements inscrits dans le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) ou le contrat d’engagements réciproques (CER) ne sont pas respectés par le bénéficiaire ».

Nous proposons de participer à sortir du jeu de dupes et à trouver des solutions durables pour permettre à des bénéficiaires du RSA de s’inscrire dans un parcours choisi et à sortir de la pauvreté. Nous souhaitons contribuer à « renforcer la place des personnes, prendre en compte leurs savoirs » [6] et développer des espaces collectifs d’entraide entre pairs.


 

Les 4 actions que nous voulons mettre en œuvre dans les prochains mois sont :

1. Publier un petit guide permettant aux bénéficiaires du RSA d’être plus à même de débattre librement des termes de leur contrat et de renforcer leur alliance avec les personnes en charge de les accompagner.

2. Rendre effective la possibilité, prévue par la loi, de se faire accompagner lors des équipes pluridisciplinaires, à travers la mise en place d’un réseau d’accompagnant(e)s des personne convoquées dans cette instance de régulation et de sanction. Les accompagnant(e)s seront formés juridiquement mais aussi en terme de stratégies d’accompagnement afin d’instaurer lors des équipes pluridisciplinaires des conditions équitables de discussion et, in fine, de restaurer un lien de confiance entre les bénéficiaires du RSA et les institutions. Une information sera diffusée largement concernant l’existence de ce réseau et de notre collectif en octobre 2019.

3. Contribuer, si le Département le souhaite, à la formation des bénéficiaires de représentant du RSA ou de candidats à cette fonction, en les accueillant lors de nos temps de co-formation ou de regroupement7.

4. Mettre en place des liens de coopération avec le Collectif pour une protection sociale solidaire (auquel contribue AequitaZ, mais aussi le Secours Catholique, la Fédération des centres sociaux de France et le Réseau des Accorderies de France) ou d’autres collectifs mobilisés dans l’appui des personnes vivant la précarité en France et en Europe.

Aidez-nous à faire grandir la justice sociale et à lutter contre la pauvreté dans notre Département. Rejoignez-nous !

Le collectif de la Huppe
Valence, 25 juin 2019

 

 

 

[1] Art. 1.1, loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active

[2] Cf. témoignages de L., J. et A. Ce travail fait suite à l’animation des collectifs « Boussole » pendant quatre ans dans la Drôme.

[3] Article L.262-36 du code de l’action sociale et des familles

[4] Centre d’études de l’emploi, Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? Premiers enseignements d’une monographie départementale, novembre 2011.

[5] Le premier critère est la non présentation du bénéficiaire du RSA a un ou plusieurs rendez-vous. Cela nous semble être lié à du non-recours aux droits qui peut être lié au sentiment de découragement et d’humiliation décrit ci-dessus. Les troisième et quatrième critères sont le « refus de contrôle » et la « fraude avérée » que nous ne contestons pas.

[6] Orientation 2.1 du nouveau schéma des solidarités 2019-2024 – Parcours Solidarité / juillet 2019 – p. 31

[7] Les représentants des bénéficiaires du RSA sont théoriquement deux par équipes pluridisciplinaires et devraient bénéficier d’une formation, selon la loi.

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