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« Dans le concert de mes indignations, celle du racisme m’habite désormais autrement »

26 mai 2021

«J’étouffe!» sont les derniers mots prononcés sept fois par Cédric Chouviat écrasé sous le poids de 4 fonctionnaires de police. «I can’t breathe» ont crié aussi Eric Garner et George Floyd aux Etats-Unis créant un mouvement mondial initié par Black Lives Matter. Le racisme et les discriminations tuent. Mais tout aussi souvent, ils blessent en silence par le refus d’un emploi, d’un logement, par des orientations stéréotypées lors du parcours scolaire, par des mots et des crachats dans la rue, par une défiance et un regard envers les personnes qui portent encore les stigmates de la colonisation et de l’esclavage. AequitaZ ne veut et ne doit pas rester à l’écart d’un mouvement qui pousse à ouvrir les yeux sur le racisme dans notre société. Sans en faire une cause à part ou un mot d’ordre un peu creux. Quelle est notre part de responsabilité? Comment agir avec une base militante quasi-exclusivement à la peau blanche ?

Happée par cette invitation, j’ai participé à la 9ème Odyssée d’AequitaZ. Récit à la première personne d’une des artisan.e de justice sociale présente.

« L’Odyssée annuelle d’AequitaZ est un moment de pause, de réflexion, de créations poétiques et de discussions politiques avec ses membres et ses alliés ou compagnons de route du moment. Cette année, comme chaque année, j’y ai participé, avec l’appétit de cette bulle d’oxygène offerte à chaque printemps, mais aussi avec un poil d’appréhension. Parler racisme, entre blanc.he.s, c’était quand même culotté. Ne risquions-nous pas l’autoflagellation bien pensante ? Comment parler d’un sujet qui nous concerne comme être humain et comme citoyen, mais que nous ne vivons pas dans nos chairs ? Comment élaborer des stratégies d’action sans les premiers concerné.e.s ? J’arrivais aussi avec ça…dans un coin dans la tête. Et puis, je me suis laissée porter, par Jeni, par Laura, par Alizée, par Manu, qui avaient préparé cette Odyssée.

Je peux évoquer ce qui flottait de douceur dans l’air, d’attention aux personnes qui se retrouvent après une année plus ou moins bouleversante. Je peux parler également des odeurs d’herbes mouillées du diois, du chant des oiseaux et de la terre détrempée qui colle aux chaussures sur les chemins.

Je m’arrêterai un instant sur nos hésitations à faire des parallèles entre nos vies et le racisme vécu par d’autres. Nos tentatives de parallèle avec d’autres formes de discriminations, celles vécues par les femmes, qui nous aident, selon le sexe de chacun, soit à mieux ressentir les injustices ou bien à renforcer le sentiment d’y échapper.

J’ai envie de vous partager le plaisir que j’ai eu à écouter le témoignage (en visio) de cette jeune femme de 25 ans, Christine, qui se dit « pas assez blanche pour qu’on la considère comme française ». Elle nous fait voyager aux Etats Unis, pays où elle a grandi pendant 15 ans et qui lui a forgé l’idée que la race est une donnée, car elle existe dans les statistiques du pays de la même manière que le racisme existe dans la vie. C’est un point d’appui pour affronter le sujet des rapports sociaux racistes. Je retiens une phrase qui résonne aussi fort dans mon expérience d’expatriée à un moment de ma vie : « se retrouver entre gens qui se ressemblent, c’est une manière à la fois de rester proche de sa culture, d’être moins frustré et de ne pas devoir tout le temps refouler une partie de soi-même pour se fondre dans la culture majoritaire« . Cela m’a permis de faire un pas de plus en réalisant à quelle point notre non-mixité du moment, presque culpabilisante au démarrage, est apparue comme une étape finalement importante pour se forger une posture, une intention, partager nos propres fragilités.

Puis, avec l’aquarelle de Stéphanie et les notes de piano de Monique, nous avons pu clarifier nos intentions, celui que le prochain « freedom summer » avec des jeunes adultes affronte durant plusieurs jours ce sujet déjà omniprésent dans les parlements libres des jeunes. Nous avons envie également de prendre le sujet du racisme au travail comme une part de nos prochains carrefours de savoirs. Des éclairages arrivent, nouveaux parfois, dans le paysage de nos actions politiques et poétiques.

Dans le concert de mes indignations, celle du racisme m’habite désormais un peu autrement. C’est une colère sans cesse ravivée par les dérives racistes d’un gouvernement qui mène une politique indigne à l’attention des réfugié.e.s, qui refuse d’agir face aux violences policières qui touchent souvent les mêmes hommes dans les mêmes quartiers. Mais c’est aussi un élan, teinté d’humilité et de détermination grâce au chemin parcouru durant cette Odyssée. »

Marion Ducasse

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